lundi 14 janvier 2008

Lettre ouverte d’Elodie Pontié, employée de maison, au Président de la République

Mugron, le 8 janvier 2008

Monsieur le Président,

Je suis employée de maison, chez M. Emile Jappi, l’ancien ministre des finances, actuellement en Chine où il prépare la vente en série de ses fameuses « Lunettes à Frédéric ».

Je prends la liberté de vous écrire, car j’ai sur mes collègues salariés l’avantage d’avoir reçu de M. Emile, comme cadeau de départ, un des premiers exemplaires de cette invention géniale qui permet de « voir ce qui ne se voit pas ».

Responsable de l’UMP de Mugron et présidente de votre comité de soutien dans notre canton, j’avais mis un grand espoir dans votre élection. Elle allait permettre à notre malheureux et beau pays de retrouver le chemin de la croissance et de sortir de sa déprime.

Hélas, comme tout le monde, j’ai du constater que la seule « relance » économique visible, ce sont les ventes de Gala et de Paris-Match, où vous avez bien fait de remplacer Lady Di et Stéphanie de Monaco qui commençaient à faire vieilles peaux dans les salons de coiffures et les salles d’attente des dentistes.

Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi votre intelligence, votre courage, votre ténacité et votre travail ne semblaient déboucher sur rien.

J’ai eu une petite lueur d’explication, à la messe de dimanche dernier à Mugron : notre vieux curé nous commentait une phrase de saint Augustin :

« il vaut mieux claudiquer sur le bon chemin que de galoper sur le mauvais ».

Alors je me suis dit :

« et si notre Nicolas (pardonnez la familiarité, M. le Président, mais je vous aime bien !), donc si notre Nicolas qui galope si fort était parti sur le « mauvais chemin » ? Si c’était pour faire une mauvaise politique qu’il montre tous ces talents ?... »

Hier soir dans mon lit, pour en avoir le cœur net, j’ai rechaussé les « Lunettes à Frédéric » pour lire dans Sud Ouest le compte-rendu de votre conférence de Presse. Je suis en ce moment plongée dans l’histoire de la grande Catherine par Henri Troyat : elle est sur ma table de nuit, j’en lis quelques pages chaque soir avant de m’endormir. La veille, je m’étais bien amusée au récit des visites que le Prince Potemkine, son fameux amant, lui faisait faire de faux villages où les maisons n’étaient que des façades.

Avec ces diables de « Lunettes », on peut s’attendre à tout : mais j’ai quand même été surprise de vous voir habillé comme le Prince, dans la rue du Faubourg Saint Honoré transformée en un décor de guignol. Entre la place Beauvau et la rue Royale, les hôtels particuliers avaient disparu : à la place, cinq affiches géantes sur des grands panneaux en carton pâte et derrière les panneaux, on voyait qu’il n’y avait … rien.

Et sur chaque affiche, chacune de vos lois de « rupture » :

- L’aménagement du temps de travail et les 35 heures,

- La réforme des régimes spéciaux,

- L’autonomie des Universités,

- La suppression de la carte scolaire,

- L’instauration d’un Service Minimum.

Et vous, vous marchiez avec cinq curieux personnages tous pareils, des sortes de fantômes à casquettes et sur les casquettes on pouvait lire :

« Interlocuteur représentatif : Chérèque-CFDT ;

Interlocuteur représentatif : Thibault-CGT ;

Interlocuteur représentatif : Mailly-FO ;

Interlocuteur représentatif : Van Craynest-CGC ;

Interlocuteur représentatif : Voisin-CFTC ».

Et vous, vous ne voyiez pas le dossard que chacun portait et où il y avait marqué :

« Chut, ne lui dîtes pas que nous ne « représentons » personne. Il ne doit pas le savoir».

Vous les rassuriez, vous les invitiez à passer derrière les affiches pour leur montrer qu’il n’y avait rien, rien à cacher, ni rien à craindre. Vous leur promettiez qu’à la place du vide, on ne mettrait des choses qu’après avoir négocié et qu’on ne négocierait qu’avec eux seulement.

Fatiguée de cette vision qui me troublait et me donnait mal à la tête, je retirai les « Lunettes » et repris ma lecture intégrale du compte-rendu de votre conférence de presse.

Le journaliste qui la commentait faisait remarquer votre silence sur le thème du « pouvoir d’achat des français» - un sujet qui, jusqu’alors semblait tellement important pour vous.

Vous aviez justement déclaré, il y a quelques jours, à l’occasion des vœux que ce serait l’axe de votre action en 2008 : vous êtes même en train de faire voter une loi là-dessus. Enfin, à la veille même de votre conférence de presse, le Secrétaire Général de votre parti l’invitait à se mobiliser sur ce qui devait être le grand projet de votre présidence dans les années à venir.

Hélas, je ne pouvais qu’être d’accord avec ce journaliste.

Bien sûr, comme je ne suis pas aussi malveillante que lui, j’ai essayé de trouver une explication, une justification à cette volte-face si brutale.

J’ai cru que vos conseillers vous avaient convaincu qu’à votre place, vous ne pouviez rien faire dans ce domaine. Alors, je me suis replongée dans le livre de M. Emile pour y chercher des solutions qu’on pourrait appliquer rapidement.

Alors, M. le Président, la fervente militante UMP que je suis est heureuse, de pouvoir vous indiquer trois mesures qui pourront vous satisfaire en contribuant au succès de votre politique :

1. ma cousine, Emilie Mercié, habite La Cure dans le Jura. Comme moi, elle est femme de ménage, mais c’est chez Francis Sol. Pour échapper à l’ISF, cet ancien patron des cosmétiques s’est réfugié à Saint Cergue, en Suisse, de l’autre côté de la frontière. Emilie a le statut de « travailleuse frontalière » : elle peut donc s’assurer en choisissant parmi les 2000 caisses maladie privées qui, en Suisse, se font concurrence.

J’ai été passer Noël chez elle et nous avons comparé nos feuilles de paie. C’était d’autant plus facile que nous gagnions la même chose : 1900 €/mois (soit, pour moi, 1035 € net), que nous avons le même âge et le même niveau de couverture.

Assurer le risque maladie coûte en France 300 €/mois, contre 100 en Suisse.

M. le Président, dans l’Europe d’aujourd’hui, nous sommes tous des travailleurs frontaliers : alors autorisez nous à nous assurer où nous voulons ! Et les SMICARDS comme moi auront tout de suite une augmentation de pouvoir d’achat de 20% !

2. Quand j’ai été faire mon plein d’essence au Centre Leclerc de Dax, j’avais remis les « Lunettes à Frédéric ». Ce sont des lunettes qui changent ce qu’on voit, puisqu’elles sont faites pour montrer ce qu’on ne voit pas : alors, dans un premier temps, j’ai cru que je m’étais trompé d’enseigne : je ne reconnaissais pas le logo du célèbre « épicier ». A sa place, on voyait un bras armé d’une massue, avec écrit en gros caractères, l’inscription « PPTP » et, en petit, l’explication : « Poste de Prélèvement de Taxe Pétrolière ».

Pour obtenir un plein de 50 litres, j’ai dû payer 40 €.

Un rapide calcul, M. le Président : 2 pleins par mois sur 12 mois représentent 960 €, soit 8% de mon salaire annuel.

M. le Président, diminuez de moitié vos taxes sur le carburant et notre pouvoir d’achat augmentera d’un coup de 4%.

3. Vous ne cessez de le répéter, il ne peut y avoir d’enrichissement collectif et individuel sans création massive de richesse. Comment y parvenir alors que ceux qui vivent du travail des autres veulent toujours leur imposer les 35 heures ?

J’ai repris les « Lunettes à Frédéric» et je vous ai vu de nouveau dans l’Empire du Prince Potemkine. Cette fois-ci, derrière les façades en carton pâte, j’ai vu circuler les Parisiens et les Parisiennes. Ils se dépêchaient d’aller travailler. Ils étaient courbés vers le sol. Ils avaient des chaînes aux chevilles et sur leurs épaules ils portaient des sacs remplis de cailloux.

Et sous l’image on pouvait lire :

chaînes = lois, règlements, directives et normes,

cailloux = impôts, taxes et « cotisations ».

Alors surtout, M. le Président, conservez les 35 heures !

Mais seulement pour les fonctionnaires (sauf, pour l’instant, les policiers, les juges et les militaires).

Et pour un temps de travail de 35 heures PAR AN, toujours payées 35 heures par semaine.

Une fois passées ces 35 heures par an, on leur interdirait d’exercer leurs fonctions. Ils pourraient alors se retrouver dans les bureaux, mais pour faire tout ce qui leur plairait d’autre.

Vous imaginez la formidable libération de la société et l’immense création de richesse qui se produirait si on interdisait d’agir à ceux « qui savent tout mieux que nous » ?

Qu’on les appelle « actifs », « pensionnés » ou « invalides», les fonctionnaires ne perdraient rien de leur pouvoir d’achat. Bien au contraire, forcés de faire autre chose, ils pourraient découvrir en eux des talents inconnus dont ils feraient profiter les autres. C’est comme ça qu’ils pourraient rejoindre le monde libre et noble de ceux qui créent la richesse.

Je crains, M. le Président, que cette lettre, si je lui conserve un caractère privé, ne vous parvienne jamais. C’est pour cette raison que M. Emile m’a conseillé de la rendre publique. Il m’a proposé de la diffuser par ce réseau internet à quoi je ne comprends pas grand-chose. Un des destinataires de cet envoi, me dit-il, se chargera peut-être de vous la remettre.

Dans cet espoir, je vous prie de croire, Monsieur le Président à mon profond et très respectueux attachement

Elodie Pontié

Employée de maison

Responsable UMP de Mugron

P.S. : au cas improbable où vous n’auriez pas encore lu « les Lunettes à Frédéric ou le Voyage au Bout de l’Etat », vous pouvez le faire commander par vos services sur le site de M. Emile : http://www.emilejappi.com